(Novembre 2012)
Vous trouverez ci-dessous un texte écrit lorsque nous commencions nos activités au Japon. Nous n'avons pas franchement
changé notre approche du vin et notre mode de sélection. Nous sommes intéressés par les vins "de terroir"
plutôt que par les vins "techniques". Je souhaitais écrire précisément ce que nous entendions par vins "de terroir"
et vins "techniques" mais finalement ceci est déjà remarquablement fait dans l'article
Climats de Bourgogne, un modèle de terroir de Jacky Rigaux de l'Université de Bourgogne, voir en particulier
le paragraphe "Éloge de la paresse". Plutôt que de le plagier, je vous convie donc à le lire. Pour le reste nous
sommes plus que jamais convaincus par
l'agriculture respectueuse de l'environnement, les sols vivants, les raisins sains et bien mûrs (i.e. ni trop, ni trop peu),
le travail soigné et les vinifications classiques et peu interventionnistes. Par contre nous ne croyons pas en certaines
pratiques ésotériques parfois très revendiquées.
Vous trouverez plus de détails dans notre blog concernant l'élaboration
Nos goûts (Octobre 2009)
Le goût est notre principal critère de sélection.
Nous ne proposons que des vins que nous apprécions
réellement. Nous testons beaucoup et ne retenons
finalement que peu de vins.
- Ce que nous cherchons.
Nous aimons les vins traditionnels et recherchons une certaine typicité, voire authenticité. Bien sur les vins doivent être également très "bons". Nous tentons d'expliquer tout cela maintenant.
1.1 Gouts, typicité et appelations
Les vins Francais ont une longue tradition et sont classés par appelation. Afin d'obtenir une appelation, un vin doit être produit à partir de raisins issus d'un lieu géographique précis, avec certains cépages et suivant un procedé réglementé.
Voici quelques exemples. De mémoire, un Vosne Romanée Village doit être élaboré avec du Pinot
Noir exclusivement produit à Vosne avec des rendements limités, avec une vinification et un élevage
traditionnel du vin de Bourgogne. Un Saint Émilion doit être produit avec du raisin de St Émilion
et des communes avoisinantes (St Christophe, St Laurent, St Suplice etc...) par assemblage de Merlot
et Cabernet Franc avec possibilité d'ajout en petite quantitité d'autres cépages tels le Mabec, etc...
De plus afin d'obtenir l'appelation "Grand Cru", les rendements des vignes doivent également
être plus limités et la vinification et l'élevage doivent satisfaire certaines contraintes supplémentaires,
en particulier le vin doit être elevé en fût assez longtemps...
Chaque appelation détermine en fait un certain goût.
En effet le gout d'un vin dépend essentiellement des paramêtres suivants:
1/ les conditions naturelles: le sol ou terroir, le climat, le(s) cépage(s).
2/ le travail de l'homme, c'est à dire:
2.1/le travail de la vigne,
2.2/la vinfication
2.3/ l'élevage.
Et ces paramètres sont tous plus ou moins fixés par l'appelation du vin.
Le point 1/ de la liste ci-dessus est déterminant:
sans terroir de qualité, pas de grand vin.
Par exemple la maturation du cabernet sauvignon est étroitement liée au climat et au sol. La vigne doit être en effet stressée pour arrêter sa croissance à une certaine période et développer au mieux les raisins. Ce stress est causé par des sols relativement pauvres constitués de graves et d'argile. De plus les maturations des
cabernets sauvignons sont longues et nécessitent de belles arrières-saisons. Le climat Médocain, océanique avec un bon ensoleillement, est parfait de ce point de vue. Par contre, du entre autre au climat, il est difficile d'obtenir de bonnes maturations de ce même raisin en Libournais. Ainsi les cépages typiques des St-Émilion sont les merlots et les cabernets francs.
Un autre exemple magnifique est la Bourgogne ou les cépages sont uniques:@Pinot noir pour le
rouge et Chardonnay pour le blanc. Le goût est ici principalement déterminé par le terroir et ce dernier est très morcellé. Ce qui explique la multiplicité des petits crus et appelations.
Un autre facteur important pour le goût du vin et lié au terroir sont les levures présentes sur les raisins, lorsque celles-ci sont utilisées pour les fermentations alcooliques. Ces levures sont dites "indigènes" par opposition aux levures dites "exogènes" qui sont celles ajoutées artificiellement pour les fermentations.
Puisqu'une appelation garantit un certain goût du vin, on parle alors de typicité et de goûts typiques d'une appelation. C'est ainsi que
selon le sens commun, un Pomerol doit avoir un goût de Pomerol, un Margaux celui d'un Margaux, un Vosne celui d'un Vosne, etc...
Ce système d'appelations est commun aux pays
de tradition viticole dont l'Italie et l'Espagne. Par exemple les appelations Barollo ou Brunello
ont un sens et évoquent un certain goût pour tout connaisseur alors que les cépages entrant
dans la constitution de ces vins sont généralement méconnus (du moins je ne les connais pas!). Ceci
est à opposer aux vins du "nouveau monde" classifiés principalement par les cépages les
constituants. De ce point de vue il est choquant de trouver des cépages type carbernet-sauvignon
ou syrah cultivés à des lattitudes quasi tropicales, sur des sols les plus divers.
La qualité d'un vin est acquise pour l'essentiel lorsque le raisin est entré au chai, c'est à dire après les vendanges.
Les travaux de vinification et d'élevage servent principalement à
préserver au mieux la qualité de la récolte. Une bonne vinification reste toutefois indispensable à l'élaboration
d'un bon vin.
Par exemple, une bonne maitrise des températures permet une bonne extraction des arômes. Par contre
les techniques de vinification ou d'élevage ne peuvent pas améliorer la qualité intrinsèque du raisin.
Il est artificiel de corriger les défauts du raisin (rendements trop elevés, faible concentration, mauvaise maturation...) en usant de la technologie.
Dans ce cas la technologie agit souvent comme une gomme, elle corrige en effacant ou en créant des arômes artificiels et denués de complexité.
Nous préférons donc généralement les vinifications simples, voire naturelles, revelant la spécificité
du terroir plutôt que les vinifications artificielles cherchant à obtenir une standardisation du vin.
Nous sommes sensibles aux fermentations sans levures exogènes, ni enzymes.
1.3 Ce que nous aimons (et ce que nous nfaimons pas).
Maintenant qu'entendons nous par "grand" ou "bon" vin?
Nous pourrions citer des noms dans des appelations telles Vosne Romanée et Pomerol, ou même plus simplement en Santenay ou Bergerac... et vous inviter à les gouter pour comprendre. Ce serait en effet
le plus facile! Néanmoins essayons de décrire les qualités des grands vins.
D'abord ces grands vins ont tous un équilibre et une surtout une très grande complexité d'arômes.
Leur dégustation est une grande expérience: le nez, la bouche, tout est bon, tout est cohérent,
sans défauts, ni faiblesses. La bouche est longue. Également le palais (ou plutôt le cerveau) ne sature pas après un verre.
Le plaisir de la dégustation s'inscrit dans la durée: chaque verre doit apporter un plaisir renouvelé. Le vin est une boisson et une bouteille une fois ouverte doit être bue.
Il est peut être plus facile d'être négatif
et de procéder par élimination en expliquant les défauts courants inhérents aux "mauvais"
vins. Voici à notre avis les défauts les plus communs.
- trop de concentration: ces vins donnent soif, après un verre vous avez envie de boire un verre d'eau.
Ne pas confondre goût et concentration.
- manque d'acidité: défaut typique des vins trop ronds, trop faciles sans
véritable caractère.L'acidité peut être percue par un public non-connaisseur comme un
défaut. Il n'en est rien. Elle est absolument nécessaire à la structure du vin.
- astringence: due a` un manque de maturation du raisin.
- gout trivial, ou manque de complexité: typique lorsque le terroir n'est pas bon.
- manque de tenue en bouche: typique des rendements
trop importants, par manque de matière le vin "tombe" en bouche.
- trop sucré: pour des vins élaborés avec des raisins surmaturés ce qui est dans certains
cas atypique et nuit à l'expression du terroir.
- trop ou pas assez boisé: Pour certaines
appelations telles les Bordeaux, les tanins de bois font partie du vin. Néanmoins un vin
peut être chargé en bois, seulement si la qualité du raisin le permet. Le raisin doit
posséder assez de matière pour contre-balancer les tanins du bois. Généralement, et naturellement,
les vins boisés nécessitent un vieillisement pour que tannins de bois et raisin se fondent.
Certains prétendent que les nouvelles technologies permettent d'accélerer ce processus de fusion
et de réaliser des vins boisés consommables rapidemment ou bien encore d'améliorer la concentration
du jus de raisin. Nous ne connaissons pas de grands vins
élaborés selon ces procédés.
Une tendance commerciale récente a été malheureusement aux vins flatteurs consommables immédiatement,
très boisés, sans acidité, concentré, dont les arômes (fruits exotiques parfois!) sont principalement issus de
prouesses technologiques et ont peu à voir avec le raisin. Ce n'est tout simplement pas notre goût. Nous trouvons que les vins dits
" de garage " sont souvent très concentrés mais d'une trivilialité confondante.
- Comment sélectionnons-nous les vins?
Maintenant que nous avons expliqué ce que nous entendons par "bon vin de terroir", il convient d'expliquer nos méthodes de sélection.
Lorsque nous cherchons des vins, nous prenons le temps de rencontrer les producteurs, et nous
discutons du vin avec eux. C'est d'ailleurs une expérience humaine tout à fait intéressante. Enfin
et surtout nous prenons tout le temps nécessaire pour déguster.
En discutant avec les producteurs, nous apprenons beaucoup techniquement et nous comprenons aussi
leur facon de travailler. À ce propos, tous les viticulteurs sont passionnés par leur vin. Ceci ne signifie pas, loin de là, que tous sont capables d'apprécier ce que constitue un "grand vin"
au sens où nous l'entendons. En fait il existe beaucoup de mauvais vins, ou plutôt devrais je dire plus prudemment, de vins que nous considérons comme tels.
Passons à la dégustation.
Nous n'accordons pas trop d'importance a` l' énumeration analytique des parfums du bouquet et des goûts de
la bouche des vins. Cet exercice peut avoir un sens: les "nez" en charge d'élaborer et d'assembler
les parfums sont tout fait capables de distinguer et de nommer les composés chimiques constituant un parfum.
Cet analyse peut être utile pour décrire un vin mais ne nous importe pas vraiment.
En revanche nous comprenons tout à fait les qualités intrinsèques des grandes appelations
telles Côtes de Nuits, de Beaune, Graves, Libournais, Médoc, ou encore plus précisement Vosne, Corton,
Pomerol, Margaux... Celles-ci ont bien plus de sens pour caractériser les saveurs que la terminologie usuelle des parfums.
Également nous nous méfions des dégustations rapides.
Voici un exemple vu sur Youtube: un sommelier anglo-saxon réalise une dégustation dans Grand Cru Bordelais en une minute et demi, le temps:
- d'ouvrir la bouteille de 375 ml
- de verser dans le verre
- de sentir un 1er et 2eme nez
- d'énoncer un verdict: une énumeration folklorique des parfums assorties de quelques superlatifs de circonstances,
puis
- de goûter
et
- d'énoncer après 3 secondes (de réflexion) un second verdict pour la bouche avec encore quelques superlatifs toujours de circonstances.
Est ce bien sérieux? Comment peut on juger un vin en une minute et demi après ouverture?
Bien sûr, vous l'aurez compris, nous ne faisons pas cela. Nous dégustons plusieurs fois un même vin. Les dégustations en cave sont nécessairement
assez brèves et donnent un premier apercu. Par la suite nous dégustons le vin à table, et nous
sommes généralement plusieurs à déguster. Nous laissons alors au vin le temps d'évoluer après
ouverture. Certains vins nécessitent par exemple de s'oxyder pour exprimer pleinement leur potentiel.
Cette oxydation pouvant parfois prendre quelques heures. Ainsi il nous est possible de rendre un jugement sur un vin seulement après un long process de dégustation.
Enfin lorsqu'un vin nous séduit, nous dégustons différentes années.
Nous aimons retrouver dans le vin la marque des millésimes. Par exemple en Bordeaux 2003 a été
une année très chaude (comme ailleurs en France), 2004 une année très moyenne, 2005 une très
grande année. Les vignerons ont donc du réussir leurs vinifications dans des conditions très différentes.
En particulier 2003 semble avoir été très difficile. Il est très suspicieux qu'un même vin puisse présenter
les mêmes caractéristiques et une même qualité sur ces trois années!
Pour nous un des tests clefs de dégustation reste celui de la
bouteille vide. C'est à dire que la bouteille est effectivement vide après dégustation. Ce qui est finalement assez représentatif de l'enthousiasme des dégustateurs. (Et nous ne buvons pas des 375 ml!)
Enfin nous rejetons assez systematiquement les vins que nous ne comprenons pas ou que nous trouvons atypiques ou trop artificiels.